Pouvez-vous nous décrire la façon dont vous vous êtes lancé aux États-Unis avec Shopmium ?
D’une part les investisseurs (les Venture Capitalists) attendent un plan de lancement précis et mesurable. D’autre part, pour obtenir son visa, il faut démontrer à l’administration américaine qu’on a un business plan réaliste, bien financé, et qui va créer des emplois. Dans notre cas, nous avons pris un bureau en coworking, et j’ai déménagé aux États-Unis. Là-bas, j’ai commencé par engager deux « Business Developers » américains, puis petit à petit, j’ai fait grandir l’équipe.
Quand je suis arrivé, j’ai été prévenu par plusieurs autres entrepreneurs français sur les différences culturelles entre la France et les États-Unis. J’ai pris ces conseils avec trop de légèreté, parce que je ne m’attendais pas à une telle différence. Comme nous sommes bercés par la musique et les films américains, on a vraiment le sentiment de connaître le pays. Cette différence culturelle est en réalité un fossé, où tout se déroule avec une vitesse et une intensité incroyable.
Les boites que j’ai vu réussir aux États-Unis sont les boites où un co-fondateur ou le CEO déménagent sur place. Les boites qui engagent un représentant local pour se lancer se sont presque toutes plantées. Les américains sont surentrainés aux entretiens d’embauche et font toujours une excellente impression. De plus, lorsqu’on prend des références sur les candidats, les américains disent seulement des choses positives, alors on a l’impression d’engager une star. Et ensuite, une fois en poste, on est souvent déçu.
On se laisse trop influencer par l’image que nous avons des américains et leurs succès mondiaux (les GAFA, leurs produits, leurs universités, etc.). Il est certain que le top du top est excellent aux Etats-Unis, mais en majorité, les équipes ne sont pas aussi performantes et indépendantes qu’en France. Une équipe américaine a besoin qu’on lui donne des taches précises et qu’on les manage de près pour atteindre un objectif, alors qu’on peut demander à une équipe française de résoudre un problème, et l’équipe va trouver une solution.
De plus, aux États-Unis, lorsque ça ne marche pas tout de suite, les employés se découragent vite. Par exemple, si un vendeur essuie deux refus, il va immédiatement blâmer le produit, la technologie, ou la grille de prix, au lieu de chercher comment résoudre un problème clé pour l’acheteur. Un « VP Sales » pouvant facilement couter $400 000 par an à New York, l’erreur peut couter très cher. J’ai échangé avec un grand nombre d’entrepreneurs français à New York qui ont partagé cette expérience : ils ont engagé des américains qui semblaient très compétents avec des salaires élevés, et 6 mois plus tard ils doivent tirer un constat d’échec, les licencier et se rendent compte qu’ils ont perdu beaucoup de temps et d’argent.